Conférence de Judith Sribnai (Université de Montréal)

Organisée par le GREN, la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques de Marcello Vitali-Rosati et le CRIHN, Judith Sribnai présentera une conférence intitulée:

« ‘Si la vérité est dans le vin’. Journaux, lettres, annales, gazettes, relations et conférences : les actualités savantes au XVIIe siècle »

La vérité est-elle vraiment dans le vin ? Comment calculer correctement le passage d’une éclipse ? Comment expliquer qu’un caméléon fasse une grève de la faim ? Est-il vrai qu’un prunier a poussé dans le ventre d’un enfant ? Est-il possible de connaître le détail des conclusions de Harvey sur la circulation du sang avant qu’elles ne soient publiées ? Ces questions naissent des conversations et des échanges qui animent les communautés savantes dès la fin du xviesiècle. Elles témoignent des intérêts du temps, de frontières disciplinaires qui ne sont plus tout à fait les nôtres, et d’une curiosité encyclopédique et vorace qu’excitent sans doute les révolutions scientifiques d’alors. C’est aussi au cœur de ces réseaux savants que chacun cherche ses réponses. Si la « science nouvelle » est souvent perçue comme la championne de l’expérience individuelle et empirique, elle fut aussi un moment remarquable dans l’exploration des modes de transmission et de circulation du savoir. Pour obtenir une information, mettre la main sur un livre qui vient de paraître (ou en avoir un résumé qui évitera de le lire), pour confirmer ou infirmer une rumeur, pour comparer des résultats d’expériences, les savant-e-s disposent de bien des lieux ou médias. Ces médias précèdent puis coexistent avec ce que seront, dès le milieu du xviiesiècle, les revues savantes. Que ce soit la conférence, la relation de voyage, les correspondances ou les annotations marginales, toutes ces formes écrites, imprimées ou manuscrites, qui circulent de main en main ont bien des points communs avec ce que nous attendons aujourd’hui d’une revue savante : être à l’heure des recherches et de l’actualité, combiner des approches, connaître les enjeux d’un débat et y prendre part en connaissance de cause. Ce qui se joue, bien sûr, c’est le statut de « savant », ce qui autorise une parole ou un geste, ce qui permet de constituer un discours comme relevant de la science. En explorant quelques exemples de ces écrits propres à la République des Lettres, on peut questionner ce qui, jusqu’à maintenant, charpente encore notre imaginaire de la production des savoirs : la curiosité, l’actualité et les dispositifs discursifs de légitimation d’une parole dite « savante ».

Professeure adjointe au Département des littératures de langue française depuis 2017, Judith Sribnai a obtenu un doctorat en littérature en 2011 (Paris IV-Sorbonne/ Université de Montréal). Sa thèse, parue sous le titre Récit et relation de soi au XVIIe siècle (Paris, Classiques Garnier, 2014) portait sur les représentations de soi dans les romans à la première personne et les textes philosophiques du XVIIe siècle. Elle a effectué un premier postdoctorat (Université d’Ottawa) consacré à la question des relations entre marge et identité dans les romans du XVIIe siècle. Pour son second postdoctorat (UQAM), elle s’est intéressée aux récits d’accès au savoir, aux liens entre récit de conversion et récit savant. Elle a co-dirigé plusieurs numéros de revue,dont @nalyses et XVIIe siècle. Son dernier ouvrage, Pierre Gassendi. Le voyage vers la sagesse (1592-1655), est paru aux Presses de l’Université de Montréal. S’appuyant sur l’analyse du discours et la sociocritique, ses travaux portent plus particulièrement sur les récits et figurations de soi, les liens entre fiction et savoir dans la littérature et la philosophie.

Ce contenu a été mis à jour le 13 décembre 2018 à 13 h 58 min.